font des têtes d'enterrements comme si quelqu'un venait de se tuer devant eux, pourtant moi ça me fais rire, mes cousines aussi en rient, nous avons eu toutes les trois une enfance assez particulière, l'une se faisait battre par son père qui lui jettait des pierres lorsqu'elle désobéissait, mais on en rit, parce qu'on se souvient de ses courses folles pour éviter les cailloux et les coups. L'autre à une mère qui ferait passer Xéna pour un chaton, qui s'est battu avec courage contre l'une des maitresses de mon père avant que ma mère ne l'ébouillante avec de l'huile chaude. Moi et mes frères ont se faisaient attacher au pied du lit superposé de notre petit studio bourré d'amiante et de personnes jusqu'au soir où on attendaient que notre mère nous détache. Mais on en rit, je comprends pas vraiment ce qui a de curieux à ça...
C'est plus grande que j'ai compris que les autres gamins n'avaient pas eu mon enfance, non Paracelsia, j'ai jamais eu de rhum dans mon biberon, non chéri on ne m'a pas étrangler hier, non tes cicatrices ne sont pas jolies. Lorsque j'arrivais en CP avec la gueule de Terminator, les gens me regardaient et ça me faisait plaisir parce que je croyais que j'étais la meilleur et qu'ils m'aimaient tous. Non Paracelsia, ma maman me gifle, j'ai des fessées, mais toi c'est pas normal.
En grandissant j'ai commencé à haïr ma mère de nous laisser devant l'école à 6 heures du matin seuls, de nous laisser torturer par notre famille d'acceuil sans réagir, d'étouffer mes cris, de me laisser être la seconde maman de mes petits frères, de nous enfermer comme des chiens chez nous, de nous frapper avec ce qui lui passait par la main, de ne pas comprendre que ses enfants allaient mal quand ils se blessaient entres eux avec des objets pointus. De ne pas comprendre que sa fille essaye de se suicider au lieu de faire passer ça pour du vaudou. De frapper, frapper encore ces gosses comme si s'étaient de la farine Francine.
Mais un jour, j'ai osé levé la main sur elle, ça m'avait tuer, j'en ai eu des naussées, pourtant ce fut le début de mon histoire d'amour avec elle. J'ai ouvert les yeux sur son calvaire à elle, ma maman est une bonne personne qui se lève tous les jours depuis que j'ai 6 ans à 4h du matin et rentre à 22h du soir pour faire le ménage chez des gens riches et méprisants, uniquement pour nous faire vivre, qu'elle n'a jamais été en arrêt maladie pour pouvoir régler son loyer et nos dépenses, ma maman a peur pour nous lorsque l'on est dehors, elle craint que l'on deviennent des imbéciles de "racailles", elle a peur pour nos vies, elle se lève lorsque j'ai mal et que je hurle. Même sans dire je t'aime je sais qu'elle nous adore, je me plaint sans cesse de son manque d'affection, mais si je ne reste pas pour l'apaiser qui le fera? Tous ces jours où elle devait faire des choix difficiles pour ne pas être larguer dans un pays qu'elle ne comprends pas bien, avec un mari aussi utile qu'un débouche évier. Après tous ces coups, ces cris et ses horreurs, je sais juste qu'elle ne savait pas comment faire pour s'adapter... Et puis, il y a bien pire que moi, j'ai encore mes deux parents.
Hier, en la voyant souffrir le martyr après une journée à récurer et faire les saloperies des autres, j'ai pleuré dans mon coin, je lui ai dit je t'aime maman en lui massant les pieds, elle a dit que j'étais une gentille fille, ça me fait crier depuis hier, j'ai comme une boule d'air pur dans le coeur, c'est aussi bon que de se soulager dans les toilettes. Je n'ai pas le droit de me plaindre, j'ai eu beaucoup de chance dans ma vie, du bonheur qui m'attends et je l'ai elle et lui, ça me suffit.
Photo de Mary Ellen Mark ©
Et puis rien n'est jamais tout noir ou tout blanc, on tire toujours un enseignement de ce qu'on peut vivre. Et ce enseignements font de nous ce que nous sommes aujourd'hui. Dans une optique très personnelle et sans entrer dans le détail, je suis heureux d'en avoir chier.