Paracelsia

† La Madone Anthracite †

Jeudi 23 mars 2006 à 22:42

Texte de Gabriel de Lautrec ©


Sur la terrasse pavé de jade, comme un rêve plus diaphane que les ailes grises et soyeuses des chauves-souris, s'avance la petite princesse, peureuse, aux rayons blancs de la lune.
La lune marche, attristée, à travers les nuages rapides, illuminant le toit des pagodes pensives, et rendant plus nette l'ombre des bosquets.
Sur la terrasse de jade, au pied de laquelle dorment les dragons aux formes chimériques, la petite princesse s'avance, aux froissements furtifs de sa robe de soie.
Oh! Dans quel sentier de rêve songe-t-elle à poser ses pieds délicats? Ses yeux noirs, si étrangements agrandis et épeurés par le khol, que regardent-ils dans l'obscurité?
A t-elle des rêves exotiques et d'une incohérence maladive, de ceux qui nous viennent lorsque au fond de l'âme nous sentons dans toute son intensité le mal de vivre? Le charme musical de ses regards vient-il de la tristesse bizarre de ses pensées?
Songe t-elle aux pays du soleil? A l'Inde radieuse et brûlante, où la torpeur des longues heures endort les souvenirs anciens, où l'odeur d'ambre des crocodiles monte sous les ombres épaisses des rivages?
Evoque t-elle nostalgiquement, les paysages lointains de la vieille Europe, où des scènes d'amour inconnues s'ébauchent sous le feuillage des platanes odorants, et sur les bords des grands lacs?
Les plaines vastes et les steppes désolés de la Sibérie lui sont-ils apparus, et les sapins éternellement frissonnants, et les solitudes immenses où la neige tombe sans fin?
Au dessus des massifs pleins d'ombre, parmi les grêles et fines découpures des branchages noirs aux fleurs blanches, luisent les toits des pagodes.
C'est une nuit d'été, calme et scintillante, sur les murs éclairés de lune, la silhouette de la princesse se profile, délicate. Un papillon d'or, immortalité, monte svelte de ses cheveux, et sous ses paupières pleines d'un indécis veloutement, ses prunelles ont le charme de la nuit.
L'eau des bassins, où tombent les feuilles noires, miroite et s'enfonce à l'infini, et sur le calice des fleurs entrouvertes pour respirer l'ombre, le souvenir des choses anciennes se pose comme un parfum.
Et l'âme pleine de la nuit et de la vision de l'impossible, aux froissements soyeux de sa robe peinte, sur les degrés de jade s'assied la princesse et, sans savoir pourquoi, se met à pleurer.
Attristée, à travers les nuages rapides, marche la lune.


Photo de Liva Rutmane ©

Par enelya le Vendredi 31 mars 2006 à 8:53
J'aime tout particulièrement la photo ^^
 

Ajouter un commentaire









Commentaire :








Votre adresse IP sera enregistrée pour des raisons de sécurité.
 

<< Page précédente | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | Page suivante >>

Créer un podcast