J'ai beau ne pas comprendre ce qui peut fasciner les gens chez moi et ce qui peut les faire courir aussi vite loin de moi, je m'efforce de changer constamment pour plaire à présent. J'aimerais devenir un personnage de dessin animé dégoulinant de conseils à 2 centimes sur le bonheur et l'art de tendre la joue à son ennemi, une blondinette bonnasse au possible, aux larmes faciles qui trouvent toujours une épaule sur lequel chialer pendant 2 épisodes... Ce qui me faisait pleurer petite lorsque je regardais ces héroïnes survivre à leurs bourreaux c'était le fait qu'elles puissent avoir de nombreux amis, l'aveugle albinos que j'étais avait envie aussi d'être tout aussi bêtasse pour pouvoir courrir se plaindre enfin et révèler des choses qui lui grattait au coeur comme de la bétadine sur une plaie béante. Le problème majeure étant qu'à force de pleurer sous les coups, la connasse albinos elle ne savait plus comment s'y prendre pour geindre et se lamenter. Lorsque les mots arrivaient à sortir, soulagé d'avoir trouvé des sauveurs, ce furent des remarques qui marquent à vie une gamine à moitié con-con déjà usés par ses tortionnaires. Comment on accuse des enfants d'être responsable de la démence des autres?
En revoyant ses ennemies la grande gamine albinos ne sait que dire bonjour et pleurer ensuite dans sa propre cage. Sans doute que l'albinos n'avait rien compris à la vie et que son coeur était trop plein de conneries et de maladresse, parce que bizarrement en grandissant j'ai enfin compris qu'il était plus facile de lutter seule et de tout gardé en balançant de temps à autre les mots viols, pédophilies et tortures en haussant les épaules que de chialer et attendre qu'on vous prête une épaule, parce que ça ma grande, ça n'existe que derrière l'écran des autres. La mémoire est décidément une chose qui égratigne le coeur, il vaut mieux se taire disait maman.
Photo de Deborah Paauwe ©