Paracelsia

† La Madone Anthracite †

Vendredi 30 juin 2006 à 1:46


France | 1998 | Un film de Gaspard Noé | Avec
Philippe Nahon (le boucher), Blandine Lenoir (la fille), Frankye Pain (sa femme), Martine Audrain (sa belle-mère), Jean-Francois Rauger (l'agent immobilier), Guillaume Nicloux (le directeur de supermarché), Olivier Doran (la voix du présentateur), Aïssa Djabri (le docteur Choukroun)

Un homme sort de prison, il épouse alors son ancienne maîtresse dans le but de recommencer une nouvelle vie et surtout dans l'espoir de récupérer sa fille placée dans une institution. C'est sans compter que ce bonhomme est sacrément endurci par la vie et va cracher son venin à tout va. Une arme chargée de trois balles, il sillonne un patelin paumé...

Noé savait choquer bien avant "Irréversible", et même beaucoup mieux. Sur fond de l'histoire d'un pauvre type ordinaire, un beauf' complètement schizo qui a la haine, qui méprise le monde entier excepté sa fille. Le viol est toujours présent comme dans tous ses travaux, y compris ses courts et moyens métrages. Cette fixation pour l'inceste ou l'horreur de l'innocence amputée, on la retrouvera dans le moyen métrage de sa compagne Lucile Hadzihalilovic "La bouche de Jean Pierre", où une petite fille malchanceuse rencontre l'amant de sa tante, le soir alors qu'elle dort près de la porte de la chambre de cette dernière.

Le boucher dans "Seul contre tous" est odieux, raciste et s'emporte tellement dans ses pensées qu'on lui prédit un ulcère immédiat. Le seul moment où il devient calme et presque censé, c'est lorsqu'il rend visite à sa fille dans un hôpital il me semble. Pour bien situer l'histoire il faut avoir vu "Carne" (même si les deux histoires peuvent être indépendantes), un moyen métrage de Noé, où l'on voit le boucher qui élève seul sa fille (elle ressemble à un légume limite), il la lave, la nourrit et l'habille... Même lorsqu'elle devient une femme, et là le malaise s'installe, puisque le boucher va avoir de mauvaises pensées en voyant les formes de sa fille, qui, entre ses mains, ressemble à un jouet.
Le boucher ira en prison, pour avoir tué sauvagement un type qu'il croyait coupable du dépucelage de sa fille, alors que celle-ci avait juste, pour la première fois, ses règles.

A travers cet homme qui veut se venger de l'existence c'est une critique de la société qui est mise en évidence de façon crue et totalement aseptisée. Le choc se trouve dans les images bien sûr, mais plus dans les mots, dans la voix off du boucher qui déclame sa haine et crache des atrocités quand il le veut : "C'est des types comme Robespierre qui feraient du bien à la France" (Robespierre étant un ferveur utilisateur de la guillotine) ou encore "Vivre est un acte égoïste. Survivre est une loi génétique".
"Seul contre tous
" contient un concentré des travers de cette société, et le boucher ressemble à ces gens extrémistes, nostalgiques d'un temps, ces gens qui sont à bout, il ira vers la fin jusqu'à se recréer un monde avec la seule femme qu'il n'a jamais aimée, c'est-à-dire sa fille... A qui il décide de faire l'amour pour lui apprendre la vie. La fin est un affrontement avec cette enfant qu'il chérit, il se demande s'il doit la tuer pour lui épargner la misère et la crasse de cette vie là, vivre c'est être égoïste.

Ce qu'il y a de plus drôle dans ce film, c'est l'avertissement du début du film "Vous avez 30 secondes pour abandonner l'idée de voir ce film" qui annonce déjà la couleur, nous prévient que ce que l'on va voir n'est pas commun et peut s'avéré dangereux pour le public. Effectivement, voir l'errance de cet homme antipathique, le vieux beauf' de base qui cogne sur sa femme enceinte en voulant vraiment assassiner le gosse qu'elle porte, va voir des films pornos, provoque des immigrés, râle, avec ce regard froid et implacable, sans jamais sourir, il abat sa fille froidement comme il tue ces animaux dans sa boucherie et qui se vide comme un cochon qu'on saigne, tout cela nous offre une gigantesque claque dans les dents. Ce film révèle aussi le très bon acteur qu'est Phillipe Nahon, que je trouve assez charismatique.

Si Noé est un provocateur, il est ce que je vois dans la ligné de Pier Paolo Pasolini, Larry Clark et Cronenberg un artiste démesurément bon, même si "Irréversible" et son tapage médiatique a joué en sa défaveur.

Par ad-vitam le Vendredi 30 juin 2006 à 6:59
Ho ho, en voilà une découverte, ça m'a l'air bien frenchy et froid à souhait.
Par Paracelsia le Samedi 1er juillet 2006 à 0:29
C'est un très bon film, assez méconnu, et c'est bien dommage d'ailleurs...
Par panda-o-pommes le Dimanche 2 juillet 2006 à 2:51
...bien d'accord : le "grand public" a connu Noé pour de mauvaises raisons, bellucciennes notamment. C'est dommage. Les sirènes cannoises, qu'elles appellent à la notoriété ou qu'elles se dandinent sur les marches, peuvent noyer ceux qui mènent les arches. (oui, je sais, mais un peu de facilité ça raffraîchit en ces temps de canicule)
Par dadahprod le Lundi 3 juillet 2006 à 0:15
Je regrette de ne jamais avoir vu cette oeuvre de Noé... c'est une terrible lacune que je vais d'ailleurs m'empresser de combler !
Par wattie le Mardi 11 juillet 2006 à 11:01
un très bon film oui. J'adore ces films qui travaillent la psycho de gens qui vont jusqu'au bout de leur esprit souvent perturbés (il y a toute une collection de ce genres de films chez Haxan en plus underground)...
Par nubiennes le Jeudi 5 avril 2007 à 11:02
j'adore ce film bien trash
 

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